Fabrice Melquiot

 

Fabrice Melquiot, du théâtre en partage

 

Nous recevons en 2020 Fabrice Melquiot, le 12 mars 2020, à La Cabane de Villeneuve/Lot pour une «  carte blanche » ….Qui est Fabrice Melquiot ?

Ses textes sont montés partout, du théâtre de la Ville à Paris aux compagnies amateurs, en passant par la Comédie Française et les compagnies indépendantes. Un auteur majeur, joué dans plusieurs langues à l’étranger et traducteur lui-même de Garcia Lorca, Lee Hall ….car dit-il, c’est «  Regarder frontalement l’étranger en soi, et reconnaître sa propre langue, recommencée, dans la langue de l’autre ». 

Extraits d’entretiens avec l’auteur Fabrice Melquiot :

Écrire du théâtre est-ce un moyen de retisser des rencontres ?

L’écriture peut se faire carrefour. Un carrefour modeste, disons de terre battue, même pas bitumé et cette modestie n’est pas une posture.

Par son biais, l’altérité nous percute de plein fouet, nous transperce, nous mélange à l’autre.

Écrire pour le théâtre  c’est vouloir faire corps. C’est dire : viens, à une communauté floue.

C’est un appel à la rencontre. On écrit pour que ça pénètre, que ça traverse, que ça imprègne des tissus, que ça tapisse des cortex cérébraux

C’est dans cette intimité du texte qui rentre, qui cogne, qui s’empare qu’on se rencontre ; comme du sens et des sensations que le texte enveloppe ou éveille.

Écrire, est-ce écrire pour quelqu’un ? Pour un lecteur ? un spectateur, un public ?

C’est en écrivant pour le grand tout que l’on atteint les autres. Le grand tout, ce sont les  arbres et les pierres, le ciel et les oiseaux, les avalanches, le silence, les cimetières…

Dans ce dialogue avec soi qui aboutit à l’autre, il y a les personnages. Ils endossent pour moi, ce grand mensonge qu’est le théâtre, mensonge dans son costume de vérité.

Être acteur ?

Jouer c’est reconnaître l’innocence et lui donner une lucidité. Embrasser et tenir à distance.

Dans certaines de tes pièces il est question de divertissement  ou bien de l’école. Peux-tu en parler ?

Nous vivons dans un monde d’injonctions. Nous sommes poussés. Et nombreuses sont les mains qui nous poussent. Peut-être qu’on va au théâtre pour tenter de résister, quelques minutes à cette poussée.

Quant à l’école, le système éducatif marginalise l’éducation artistique et culturelle. On n’a pas toujours conscience que le théâtre offre des outils transversaux, qu’ il permet d’affiner des réflexes essentiels à tous les apprentissages, qu’il ouvre la carcasse et l’esprit, qu’ il accroît la confiance en soi et stimule l’ouverture à l’autre .

Crois-tu que la poésie et le théâtre peuvent jouer sur le monde ?

Si jouer sur un être c’est jouer sur le monde, alors bien sûr et heureusement.

Le monde a t’il besoin d’être changé ? Oui. La poésie est-elle nécessaire? Oui. A qui ? Au surveillant de  prison, à la secrétaire zélée, au vendeur de fringues, à tous ….. Qu‘ils se penchent autrement sur leur propre existence.

Je veux continuer à penser qu’un poème, qu’une pièce, peuvent altérer le regard de quelqu’un au point de renverser sa perception.

Quel rôle donnes tu au théâtre que tu diriges ? (le Théâtre Am  Stram Gram de Genève)

Dans un théâtre, on est tous poètes, on est tous alternatifs, on offre une somme d’alternatives au réel pragmatique et utilitariste, qui sait si bien exploiter nos petites capitulations. C’ est un laboratoire pour exalter notre besoin de fantaisie, pour creuser notre désir de liberté, pour légitimer notre besoin de prendre la parole, au nom des poètes mais aussi contre les fumées d’usine, contre les roulements à bille, contre les trois-huit, contre la trime et pour comprendre les processus d’assignation, d’écrasement, d’étouffement qu’on identifie autour de nous.

Pourquoi aller au théâtre ?

L’acte d’écriture est le moyen de se relier à l’autre, de lui tendre la main. On va au théâtre pour entretenir un dialogue secret, sacré, entre un désir fait forme (qu’on nomme spectacle) et ses propres forces désirantes. On va au théâtre pour ouvrir l’échelle du désir - donc celle du réel - à partir des rêves qui y prennent forme..

 

L’écriture est-elle un endroit où l’on tisse du lien ?

Ce que je crois savoir des pièces que j’écris, c’est qu’ il y a dans toutes une demande d’autre.

Étranger ? Jamais

Né partout. L’empathie est un engrais, un ferment un virus.

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Pour Fabrice Melquiot, écrire n’est plus seulement appeler l’autre mais s’élancer vers lui et déployer son « coeur interminable » pour l’accueillir en soi.

« Toutes les histoires sont des histoires d’amour ; toutes celles de Fabrice Melquiot disent la nécessité du lien et le rêve d’une fraternité salutaire.

 

Ces entretiens ont été menés par Marie Amélie Robilliard et Frédéric Vossier.

 

Ils sont publiés dans un recueil « Melquiot, backstage  aux « éditions de l’ Arche »

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